Le gros nuage et le tétras

Chouette, des nuages. Arrivé au départ de la balade, belle ambiance. On n’y voit pas à 20 m, mais le soleil n'est pas loin et la luminosité est changeante. De temps en temps, le brouillard tourbillonne et semble se dissiper, on devine le paysage, la forme des épicéas et des pins, un peu fantomatiques. Les oiseaux s'en donnent à cœur joie. Au loin, un petit coq de bruyère chante (un tétras lyre), dommage je pars à l'opposé. 

Quelque dénivelé plus loin et après quelques micro-éclaircies, il faut me rendre à l'évidence, c'est fichu pour la vue, mais tant pis, la forêt prend un petit air boréal. Des coqs chantent encore au loin, il est pourtant pas loin de 10h00.

Cette fois je n'y vois plus à 5m et la luminosité baisse, on est au cœur du nuage qui s'accroche sur les pentes, heureusement le chemin est large et bien tracé, aucun risque. J'avance doucement dans la ouate, drôle de sensation d'intimité, seul au monde.

Enfin pas si sûr, je me fige d'un coup au puissant chant qui me vient d'en face. Enfin en face, je n'en sais rien, on n'y voit goutte... Incroyable : Un tétras lyre chante à quelques mètres devant moi (pour l'ambiance sonore, enregistrement trouvé sur le super site xeno-canto, cliquez ici).

Après quelques secondes (minutes?), je distingue une vague masse noir à ma gauche, impossible d'estimer la distance. Le chant est magnifique, alterné avec les puissants chuintements, c'est trop beau. Cette fois je le vois, fantôme de l’alpe.

Après un moment, les courants d'air dissipent la "purée" (terme montagnard bien adapté à la situation). Encore un de ces moments bien sympas, le soleil perce légèrement, à contre-jour, la rosée brille, on distingue la couleur bleue profonde du plumage et les caroncules rouge sur la tête du coq.

Il chante toujours, se tournant dans toutes les directions.

Moment de plénitude... Maintenant, je crains que le brouillard ne se lève. Finie la magie et surtout, si je le vois de mieux en mieux, lui aussi va me voir...

J'ai beau ne pas bouger, limiter le nombre d'images en mode "silencieux" (tout est là)... Il finit par me voir, s'arrête de chanter, réfléchit et finalement juge plus prudent de s'éloigner un peu, de quelques coups d'ailes. Je ne le vois plus, il se remet déjà à chanter. Le paysage devient net, surprise ! C'est beau, mais le mystère n'est plus là.  Je n'ai pas bougé, mais fini par le repérer il est perché sur un bel épicéa, digne des épinettes de la taïga.

Sans prévenir (il est chez lui après tout), le brouillard revient, deux images ci-dessous, à 20 secondes d'intervalle. Je préfère la photo de droite, mais ça n'engage que moi !

Un moment "d'éternité" d'un peu plus de 5 minutes partagé avec ce tétra (depuis le numérique, on sait tout...!). Lui s'en serait bien passé, mais quelle idée aussi de chanter si près du chemin. Un peu confus de me retrouver là, je me sauve sur la pointe des pieds (je n'étais pas venu pour ça, et je n'aime pas déranger, là c'est un peu raté. Par contre, étant donné le nombre de chants entendus, il y a du monde dans le secteur et ça c'est plutôt rassurant !). Le brouillard aidant, ils auront chanté toute la matinée.

Au retour, croisé mon premier hibou moyen duc, magnifique, en poste sur une branche. Trop timide il a souhaité ne pas être photographié, ce que je trouve raisonnable de sa part. Retour à la voiture, toujours dans le brouillard. Au loin, un coq chante encore, il est midi.

Chouette ce gros nuage.

Samedi 9.05.2015, Vercors.