Hautes terres d'Aubrac
Puech del Pont, 1219m et la rivière Le Bès. Marchastel
L’Aubrac est une île, hautes terres volcaniques enracinée au milieu de la France. C’est un peu comme ça que je l’ai ressenti, avec ses perspectives immenses, ses affleurements de basaltes et ses pâturages infinis. Ses habitants sont viscéralement attachés à leur terre, ça se sent tout de suite en abordant ses côtes, ça se devine, ça se confirme après quelques rencontres. On y vient pour ses paysages, on y retourne sans doute pour ses habitants, c’est ce que l’on dit aussi à juste titre de l’Irlande, une autre grande île…
Une terre d’échanges et d’accueil aussi, parcourue depuis le Moyen Âge par les pèlerins en route vers Saint Jacques. L’Aubrac, dans ma mémoire familiale, c’est la ferme d’Aumont-Aubrac qui a accueilli ma maman, alors enfant, et ma grand-mère, jetées sur les routes depuis la Champagne lors de l’exode de mai 1940. De cela, il ne reste qu’un vieux souvenir oral, pas de photos, pas de noms… trop tard. Souvenir toujours là pourtant, gratitude!
Buron Ginestouse Haut, au nord d’Aubrac
L’Aubrac est un volcan, couvert de « montagnes ». Mais pas de pics acérés ici, si rien n’est vraiment plat, le plateau ondule doucement, comme ses champs balayés par le vent, entre 1000 et 1469m d’altitude (au Mailhebiau, un sommet tout rond, tout plat). Sur les hauts parfois, un arbuste isolé comme un amer héroïque, a résisté aux rudes hivers et au broutage.
Ici une « montagne » c’est le nom donné à un pâturage. Chaque montage a son propriétaire et son buron. Il accueillait autrefois chaque été un troupeau à l’estive et le lait était transformé sur place en fromage. Temps révolus. Si les troupeaux de vaches Aubracs et Simmentals et la production des fromages AOP Lagiole sont toujours là, grâce à l’opiniâtreté et à la solidarité des éleveurs du plateau (*), les buronniers ont disparus depuis longtemps. Il n’en reste plus qu’un en activité, le Buron de la Treille, recréé par un groupe de passionnés et de courageux jeunes buronniers.
Troupeau de vaches Aubrac, Cap Combattut
Les burons, c’est ce qui marque le visiteur qui découvre le plateau, ils sont partout, perdus au milieu des champs, bien souvent sans le moindre chemin pour y accéder.
Le Buron de Trap du milieu, Monts d’Aubrac
Madeleine Ayral décrit très bien les burons dans un article de 1928 dans les Annales de géographie trouvé sur Persée (**) :
« C’est une construction basse avec un grenier qui sert de logement et un rez-de-chaussée à deux pièces, une servant à la fabrication du fromage, l’autre à sa conservation. Cette dernière exposée au Nord est à moitié enfouie dans la terre pour rester toujours fraîche. Il n’y a pas de fondations car le sol n’est pas humide. Le buron est construit en pierre noire en basalte, le toit très en pente est couvert de dalles plates également en basalte. Il est placé à peu près au milieu du pâturage et toujours près une source. A côté se trouve généralement un petit jardin où l’on cultive quelques légumes. Un peu plus loin, la loge des porcs (1 pour 10 vaches) nourris avec le petit lait aigre. »
Le lac des Moines et le buron du Pesquier Haut
Plateau de l'Aubrac, du 5 au 11 juillet 2020 - Parc Naturel Régional d'Aubrac
(*) A lire « André Valadier, l’Aubrac au cœur » de Daniel Crozes, éditions Rouergue, conseillé par le libraire de Nasbinals pour comprendre un peu mieux l’Aubrac. Il avait bien raison.
(**) Ayral Madeleine. Le plateau d'Aubrac. In: Annales de Géographie, t. 37, n°207, 1928. pp. 224-237;doi : https://doi.org/10.3406/geo.1928.9297
https://www.persee.fr/doc/geo_0003-4010_1928_num_37_207_9297