Le Col Vert, son abri en ruine et le circaète
Un col, cela va de soi, on peut y monter des deux côtés ! Cette fois nous avions choisi le versant Est. Le Col Vert a depuis toujours été fréquenté par les habitants des deux versants pour commercer, faire passer le bétail lors des foires de Villages, ou simplement voyager.
Aujourd’hui ce sont plutôt les randonneurs qui gravissent le chemin qui monte, lentement et sans un virage, depuis la route forestière des bordeaux, au-dessus de Prélenfrey. Dans la revue mensuelle du Touring Club de 1919, Henri Ferrand trouve ce chemin sous le col "d'une horizontalité vexante". Sur l’image ci-dessus, à droite du chemin, en point de mire à la montée, le fier Cornafion.
Arrivé au col (1766 m), le fil de l'arête est entaillé par le chemin. Une belle échancrure qui en a vu passer du monde. Côté Sud, le Ranc des Agnelons et les arêtes du Gerbier. Le col n'a pas changé depuis 1919 et la photo de Ferrand ci-dessous. En le franchissant, on bascule de la large vallée avec ses horizons alpins, vers les hauts plateaux du Vercors et ses forêts sombres. Contraste saisissant (si les nuages ne vous jouent pas un tour (voir ici une précédente visite, plus... nébuleuse)).
Côté Villard de Lans, c'est le son des clarines qui nous accueille, le troupeau n'est pas bien loin, autour de la cabane de Roybon. De ce côté, le sentier est plus raide et se termine par une succession de beaux lacets.
Le randonneur curieux (ou moins essoufflé que les autres, c'est au choix), ne manquera pas de remarquer la petite ruine blottie contre la roche, sur une vire côté Sud du chemin.
Il faut dire qu'elle se cache bien un peu, ton sur ton, et peut facilement passer inaperçue. Comme souvent dans ces cas-là, on aimerait bien en savoir plus : Abri de berger, ermitage, refuge ?
Après quelques recherches, c'est en convoquant de nouveau Henri Ferrand que l’on aura l’information. C'est en effet sur le merveilleux site Gallica de la BNF que l'on trouve une trace de cette construction, dans un article étonnant de Ferrand dans la revue mensuelle du Touring Club d’octobre-novembre 1919. Cet article décrit une randonnée que l'on pourrait remettre au goût du jour : Grenoble - Villard en transport en commun, passage du Col Vert et descente sur St Paul-de-Varces, retour à Grenoble en tramway... Moderne non ?
Sur cet abri: On aurait donc affaire à un ouvrage militaire, construit par le 1er régiment d'artillerie de montagne en 1910 à l’occasion de manœuvres ! Voici la description du passage du col sous la plume de Ferrand.
Epatant M. Ferrand, épatant Gallica ! Ici le lien vers la revue du Touring Club de France d'octobre-novembre 1919 (voir p 239 à 243). Ne pas rater au passage la pub "De Dion Bouton" p 241 !
En cherchant un peu sur ce régiment d’artillerie de montagne, on trouve facilement quelques images comme celle-ci, sans doute prise dans le vallon de la Fauge, au pied du col :
Source: forum pages14-18.mesdiscussions.net
On apprend également que Le vallon de la Fauge a été à partir de 1888 un terrain d’entrainement des chasseurs alpins et du 1er régiment d’artillerie de montagne, basés à Grenoble. Ce champ de tir était appelé « l’école de feu de Villards-de-Lans ».
On doit aux alpins quelques vestiges, comme l’abri du Col Vert, le Pont de l’Amour et…le nom de la station de ski de Villards. En effet, la Cote 2000 sonne bien jargon « militaire » ! Qui l’eut cru ! Ce sont les artilleurs qui ont renommé la montagne sur laquelle ils tiraient pour leurs exercices, le nom est ensuite passé dans le domaine commun. Plus de détail sur cet intéressant site de loueur de ski ! Etonnant non ?
Quant à la destruction de l'abri, la devons-nous à l'occupant italien, aux combats de 1944, ou simplement au temps qui passe ?
Voilà qui va sans doute motiver une prochaine balade dans le vallon de la Fauge !
Pour finir et revenir à un peu plus de nature, retour au Col Vert.
Durant notre balade, le versant Est c’est confirmé être un paradis pour les oiseaux, une foule de passereaux, des faucons crécerelles et pèlerins et ce jour-là, deux circaètes jean-le-blanc.
L’un d’eux, au plumage bien sombre, nous a offert quelques instants d'une relative proximité. Tranquillement perché sur son arbre mort, en contre-bas du chemin.
Ci-dessous, un gros recadrage pour profiter de ce bel oiseau. Pas très chaud ce jour-là, trouve-t-il encore des reptiles pour se nourrir par une telle température ?
Vercors, Col Vert, 6 septembre 2015